Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/87

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consolée de toutes tes douleurs et puis, n’est-ce pas toujours ton enfant ?

— Mais c’est aussi l’enfant de M. de Morges, repartit Gabrielle. Ces deux sentiments qui se heurtent en moi achèvent de me faire mourir.

— Chère Gabrielle, reprit Renée en s’agenouillant devant sa sœur, si tu le voulais, tu pourrais vivre encore, aimer ta fille, être heureuse enfin. Fais un effort de volonté, et surmonte ce chagrin imaginaire. Combien n’en voit-on pas de ces unions disproportionnées, et qui cependant ne font pas mourir !

— Pauvre Renée, change donc ma nature, dit Gabrielle avec un triste sourire ; crois-moi, mourir est ce que j’ai de mieux à faire : si je vivais, il faudrait retourner à Morges, et…

— Mais pourquoi retourner à Morges ? le rétablissement de ta santé n’est-il pas aux yeux du monde un motif suffisant pour expliquer ton séjour ici ?

— Et M. de Morges ?

— Je me charge de lui faire entendre raison.

— M. de Vaudrey ne vient pas, dit Gabrielle, en changeant brusquement de conversation.

— J’ai entendu dire qu’il devait faire un voyage, et je crains qu’il n’ait pas reçu ma lettre, répondit Renée, visiblement embarrassée.

— Tu lui as écrit, tu ne me trompes pas ?

— Je te l’assure.

— Cependant, voilà bientôt huit jours que nous l’attendons. Peut-être faudrait-il lui écrire encore et lui dire que je suis très mal.

— Mais ne crains-tu pas, objecta Renée, que sa visite ne te cause une impression trop vive ?