Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
viii
préface
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

se chantent dans sa paroisse ; et lorsque, le soir, après une chaude journée d’été, il reviendra se reposer de son travail, balancé par le mouvement de sa charrette aux hautes haridelles, et mollement couché sur un moëlleux et odorant voyage de foin, on l’entendra murmurer d’une voix monotone mais douce, quelques uns de ces mots, de ces noms si chers qui rappellent l’ancienne mère-patrie ; ou bien, sur les cages ou dans le canot, il chantera la belle Françoise ou la complainte d’un malheureux voyageur noyé dans les rapides, ou encore le beau Kyrie que chantent à l’église ceux qui lui sont chers et qui sont restés dans la paroisse natale, sur le bien paternel.

Un écrivain français qui s’est occupé de nos chants canadiens, écrivait naguère que souvent une chanson est un monument plus solide que les monuments de bronze ou de granit. On y rencontre parfois des couplets ou même un seul mot qui vous reportent à des siècles en arrière, comme, par exemple, la ronde « Il n’y a qu’un seul Dieu », traduction littérale d’une des séries chrétiennes substituées aux séries druidiques, et l’expression la Guignolée, dont l’origine indubitable est le chant ou le cri dridique : au gui l’an neuf ! ! Ce qui est certain, c’est que les chansons ont cette faculté, que n’ont pas les obélisques, d’aller s’asseoir au foyer de toutes les familles, de suivre le missionnaire ou le pionnier dans la forêt, de rappeler un événement à mille lieues de l’endroit où il s’est passé, et sur plusieurs points à la fois.

Les menhirs, les dolmens et les cromlechs, que l’on rencontre à chaque pas dans certaines parties de la Bretagne, ne sont des monuments que pour les Bretons ou ceux qui vont les voir en Bretagne, tandis que des chants qui ont