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DU CANADA

paysans canadiens ne font usage d’aucun autre instrument que du petit violon.

« Il nous est arrivé, il y a quelques années, écrivait M. d’Ortigue, de parcourir pendant l’automne les campagnes avoisinant la montagne du Luberon, pour y faire la chasse, non au gibier, mais aux mélodies anciennes. Quand nous entendions une chanson, un cantique, une complainte, ou bien un air de fifre qui nous plaisait par sa singularité et son tour naïf, nous allions interroger le paysan, la paysanne ou le berger qui l’exécutaient, et si nous ne pouvions le transcrire au moment même, nous annoncions notre visite pour le soir à la veillée dans la grange. Réunis autour d’une table, les femmes cousant et filant, les hommes lisant, chantant ou fumant, ces braves gens nous répétaient la mélodie du matin, et quand nous en avions bien saisi les intonations et le rhythme, ce qui (pour le rhythme principalement) n’était pas toujours facile ; quand nous avions tenu compte dés diverses variantes que plusieurs d’entre eux proposaient, nous écrivions le chant sous la dictée d’un seul, au grand étonnement de l’assemblée qui ne pouvait concevoir comment, au moyen de certains signes, on pût fixer les sons. Mais ils étaient bien obligés de se rendre quand nous leur chantions à notre tour la mélodie et les paroles sans faire une faute. D’ordinaire ces bons paysans nous disaient : Tel cantique a deux airs, l’ancien et le nouveau. Lequel voulez-vous ? Nous les leur faisions chanter tous les deux, mais nous donnions presque toujours la préférence à l’air