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DU CANADA

vice versâ, puis disparaît, puis reparaît encore, sans pour cela que le rhythme cesse un instant d’exister.

Que, dans notre musique artistique, on fasse durer un simple silence un temps de plus ou un temps de moins que ne le veut la mesure, l’oreille en est plus choquée qu’à l’audition d’une fausse note. Dans nos mélodies populaires, au contraire, des mesures tronquées ou allongées laissent l’oreille également satisfaite.

Le rhythme de nos mélodies populaires (je parle surtout des mélodies qui ne sont chantées qu’à la campagne) appartient donc à la fois au rhythme non mesuré du plain-chant et de au rhythme mesuré de la musique moderne.

Pour le rhythme du plain-chant comme pour ses échelles modales, messieurs les musiciens avancés professent le plus superbe dédain. « Eh ! ne voyez-vous pas, me disait l’un d’eux, que si les vieux moines du moyen-âge ne mesuraient pas leur musique c’est qu’il ne connaissaient pas mieux ? Je suis d’avis, moi, que l’on devrait arranger tout le chant grégorien à deux, à trois et à quatre temps… ce serait un progrès ! »

En vérité, on abuse étrangement de ce « mot progrès. »

Et d’abord on connaissait très-bien la mesure au moyen-âge. Avant même le moyen-âge, saint Ambroise connaissait la rhythme poétique, et on possède aujourd’hui des documents établissant d’une manière irrécusable qu’aux neuvième et dixième siècles, il existait, concurem-