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le fort et le château saint-louis

L’interprète ayant fini de traduire cette dépêche, l’envoyé tira sa montre, fit remarquer qu’il était dix heures et ajouta qu’il serait prêt à partir à onze heures avec la réponse qui lui serait donnée.

— « Je ne vous ferai pas attendre si longtemps, reprit Frontenac : dites à celui qui vous a envoyé que je ne connais pas le roi Guillaume ; que le prince d’Orange est un usurpateur qui a violé les droits les plus sacrés et cherché à détrôner son beau-père ; que je ne connais en Angleterre d’autre souverain que le roi Jacques, ami du roi de France… Et quand votre général m’offrirait des conditions un peu plus douces et que je serais d’humeur à les accepter, croit-il que tous ces braves officiers qui m’entourent me conseilleraient de me fier à la parole d’un homme qui n’a pas gardé les conditions de la capitulation de Port-Royal, d’un rebelle qui a manqué à la fidélité due à son légitime souverain ?… Ah ! la justice divine qu’il invoque ne manquera pas de punir ces félonies avec sévérité… »

Le vieux gouverneur s’arrêta un instant, et l’envoyé le pria aussitôt de vouloir bien lui remettre une réponse par écrit.

Frontenac reprit alors, avec des éclairs dans les yeux :

— « C’est par la bouche de mes canons et à coups de fusil que je répondrai à votre maître ; qu’il fasse du mieux qu’il pourra comme je ferai du mien : je veux lui apprendre que ce n’est pas de la sorte qu’on envoie sommer un homme comme moi. »

Le lecteur a encore présent à l’esprit cette belle page de nos annales où Frontenac joua un rôle si glorieux, et il connaît toutes les péripéties de cette victorieuse défense de Québec par la brillante phalange dont l’illustre vétéran était le chef : Sainte-Hélène, Maricourt, Lotbinière, Ju-