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Ensuite il alla au bureau des postes et donna son adresse en priant de faire suivre, toutes les lettres qui parviendraient pour lui, au Callao.

Puis il alla se promener par la ville.

Étant donné qu’elle était carrée et uniforme, il ne risquait pas de se perdre. Il arriva ainsi à la place d’armes où se trouve l’Archevêché et le Palais du Gouvernement. Il se promena sous les arcades de la place parmi la foule qui encombrait celle-ci et visita les grands magasins qui s’y trouvent.

Il remarqua que là aussi la mode européenne avait empiété sur les mœurs locales mais pas sur une si grande échelle.

Beaucoup de femmes portaient encore la mante de cachemire noir au lieu de chapeau.

Quant aux indiens et indiennes qu’il croisait de temps à autre vaquant à leurs achats, eux, ils ne changeaient pas. Toujours le même panama large pour homme comme pour femme, le châle bariolé de couleurs criardes sur le dos, femmes et hommes portant des pantalons larges et des espadrilles aux pieds. Vers cinq heures de l’après-midi la foule commença à diminuer. Les magasins fermaient leurs portes. Peu après il vit les commis sortir et se diriger à pas pressés vers les cafés environnants.

Lucien entra dans un de ceux-ci. Autour d’un haut comptoir il y avait une foule de gens debout mais tous uniformément buvaient la même chose, du cock-tail au vermout.

C’est à croire que dans toute l’Amérique du Sud on ne boit que ça ! pensa Lucien. Il fit comme les autres. Il n’eut même pas besoin de le commander. Dès son entrée un garçon empressé avait tourné la manivelle de la machine destinée au mélange et présenté à Lucien une coupe mousseuse.

Il s’attarda un peu à écouter les conversations. Mais elles n’avaient trait qu’à des incidents de la vie courante ou à des questions de métier et il quitta les lieux. Peu après il rentrait à sa pension.

— Je vais vous présenter à ces Messieurs dit Madame Rasquin. Le soir vous souperez avec eux car ils sont moins nombreux qu’à midi. Lucien accompagné de la patronne pénétra dans la salle à manger. Messieurs dit-elle, je vous présente Monsieur Rondia, de Liège, un nouveau pensionnaire. Tous s’inclinèrent et vinrent serrer la main au nouvel arrivant. Ensuite Madame Rasquin lui indiqua la place qu’il occuperait.

Le repas fut assez gai car tous les pensionnaires étaient des hommes jeunes. Le plus vieux était un ingénieur, 35 ans, attaché à la fabrique d’armes du Gouvernement péruvien.

Il était lui aussi liégeois. Lucien lui ayant dit qu’il était monteur-électricien, il se mit à causer métier avec lui. Dans six mois finissait son contrat avec le gouvernement, il comptait rentrer au pays.