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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, I, ii.

car le corps est l’instrument de l’âme[1] ; aussi les mêmes parties sont-elles très-dissemblables les unes des autres chez les divers animaux, parce que les âmes elles-mêmes diffèrent. Ainsi il y a des âmes fortes, il y en a de lâches, de sauvages, il y en a d’apprivoisées ; d’autres sont pour ainsi dire civilisées et propres à diriger les affaires ; d’autres ont des goûts solitaires. Chez tous, donc, le corps est accommodé aux habitudes et aux facultés de l’âme. Chez le cheval le corps est pourvu de forts sabots et de crinière, car c’est un animal rapide, fier, et non sans courage. Chez le lion, animal hardi et vaillant, le corps tire sa force des dents et des ongles. Il en est de même pour le taureau et le sanglier : chez celui-là des cornes, chez celui-ci les dents proéminentes (défenses), sont des armes naturelles. Chez le cerf et le lièvre, animaux lâches, le corps est prompt à la course, mais tout à fait nu et désarmé. Il convenait en effet, ce me semble, de départir la vitesse aux animaux lâches, et les armes aux animaux vaillants. Ainsi la nature n’a ni armé la lâcheté, ni désarmé le courage ; à l’homme, animal doué de sagesse et le seul être divin parmi ceux qui vivent sur la terre, elle a donné pour toute arme défensive les mains, instrument nécessaire pour exercer toute espèce d’industrie, et non moins convenable en temps de paix qu’en temps de guerre. Il n’était donc pas besoin de donner une corne naturelle à celui qui pouvait à son gré manier avec ses mains une arme meilleure qu’une corne ; car l’épée et la lance sont des armes à la fois plus grandes et plus propres à couper qu’une corne. Il n’avait pas besoin non plus de sabots, car le bois et la pierre blessent plus fortement que toute espèce de sabots. De plus, avec la corne et le sabot on ne peut rien faire si on n’arrive près de son adversaire, tandis que les armes de l’homme agissent aussi bien de loin que de près : le javelot et la flèche mieux que la corne, la pierre et le bois mieux que le sabot. Mais le lion est plus rapide que

  1. On lit dans Aristote (De l’âme, II, iv, 15, édit. B. Saint-Hilaire ; voy. aussi la note) : « L’âme est cause en tant que cause finale, car de même que l’intelligence agit en vue de quelque fin, de même aussi agit la nature ; c’est une fin qu’elle poursuit et précisément cette fin c’est l’âme selon la nature. Ainsi tous les corps formés par la nature sont les instruments de l’âme. » — Voy. encore I, i, 9 et 10, sur l’union de l’âme et du corps. Cf. aussi Phys. auscult., II, viii, p. 198, édit. de Berlin, et Polit., I, ii, 10.