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QUE LE BON MEDECIN EST PHILOSOPHE.

manque pour l’exercice de l’art ? ou bien s’ils possèdent une de ces qualités, l’autre leur fait-elle défaut ? On ne saurait raisonnablement admettre qu’il ne se trouve de nos jours aucun homme possédant une capacité suffisante pour apprendre la médecine, cet art si ami de l’homme ; car enfin le monde est aujourd’hui tel qu’il était autrefois ; il n’y a de dérangement ni dans l’ordre des saisons, ni dans l’orbite que parcourt le soleil ; les astres errants ou fixes n’ont subi aucun changement. Il est donc rationnel de penser que c’est à cause du mauvais régime dont on use maintenant, et à cause de la préférence que l’on accorde à la richesse, sur la vertu, que nous ne voyons plus à notre époque de Phidias dans la sculpture, d’Apelles dans la peinture, et d’Hippocrate dans la médecine.

Cependant, venir après les anciens, hériter des arts auxquels ils avaient fait faire tant de progrès, n’étaient pas pour nous un médiocre avantage. Il était facile, après avoir rapidement appris ce qu’Hippocrate a mis un long espace de temps à découvrir, de consacrer le reste de sa vie à la poursuite de ce qu’il nous a laissé à trouver encore. Celui qui estime la richesse plus que la vertu, et qui apprend son art pour amasser de l’argent et non pour le bien de l’humanité, celui-là ne saurait tendre vers[1] le but que se propose la médecine, car il est des médecins qui s’enrichissent avant que nous-mêmes nous ayons atteint le but vers lequel tend cet art. Il n’est certes pas possible, en effet, de convoiter la richesse[2] et, en même temps, de cultiver dignement la médecine, cet art si noble ; si on s’attache avec ardeur à l’une, on négligera certainement l’autre.

  1. Ἐφίεσθαι, vulg. et ms. 2164. Coray lit ἐφικέσθαι (atteindre), ce qui paraît en effet préférable ; mais le texte ordinaire étant à la rigueur suffisant, je l’ai conservé dans ma traduction.
  2. « Ne recherchez pas vos honoraires si ce n’est dans le désir de faciliter les moyens d’études ; je vous exhorte à ne pas montrer trop d’inhumanité ; mais considérez le superflu et la vraie richesse ; soignez quelquefois les malades gratuitement, préférant un souvenir reconnaissant à un avantage direct ; s’il se présente une occasion de faire des largesses, donnez surtout à l’étranger et au pauvre. » Traité hippocratique, intitulé : Préceptes, p. 26, l. 53, éd. Foës. — Salluste (Cat. I) a dit : « Divitiarum et formæ gloria fluxa atque fragilis est ; virtus clara æternaque habetur. — Voy. aussi dans l’Appendice le chap. IX du traité De dignoscendis curandisque animi morbis.