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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

leur âme est comme noyée dans un vaste bourbier[1] ; elle ne peut avoir aucune pensée nette ; elle est aussi stupide que celle des brutes. Les athlètes prétendent peut-être qu’ils participent à quelques-uns des biens corporels ; peuvent-ils se prévaloir de la santé, le plus grand des biens ? Mais on ne trouve chez personne une diathèse plus chancelante que chez les athlètes, s’il faut en croire cette parole d’Hippocrate (Aph., I, 3) : « L’embonpoint extrême que recherchent les athlètes est trompeur. » Tout le monde admire aussi cette belle sentence du même Hippocrate : « Que l’entretien de la santé consiste à éviter la satiété dans la nourriture, et la fatigue dans les exercices[2]. » Ep., VI, 4, 18, t. V, p. 312.

    subitement après être arrivés à une réplétion extrême. » Voy. Plutarque (De sanit. tuend., V, p. 124) qui raconte la mort subite du pancratiaste Régulus. — Ailleurs (Utrum medic. sit in gymn. hyg., xxxvii, t. V, p. 876), le même Galien dit : « La santé consiste dans une certaine mesure, mais la gymnastique des athlètes engendre l’excès ; elle produit des chairs abondantes et denses ; elle augmente la quantité du sang et le rend très-tenace, et très-visqueux ; elle a pour but, en effet, de développer non-seulement la force, mais le volume et le poids du corps, afin de mieux écraser l’adversaire ; de telle sorte que ce métier est non-seulement inutile pour le jeu naturel des fonctions, mais encore dangereux sous tous les autres rapports. » Voy. aussi De bono habitu, t. IV, p. 753 ; Plutarque, De sanit. tuenda, xvi, p. 130 a, et Philon (Leg. sacr. alleg., I, t. I, p. 63, éd. Mangey, 1742) : « L’athlète et moi, dit ce dernier, nous vivons d’une manière très-différente : je mange seulement pour vivre, lui vit pour engraisser et pour se fortifier. » — Théocrite, dans sa xxiie idylle (v. 44 et suiv.), nous a laissé le portrait d’un de ces athlètes, d’une corpulence formidable sous les traits d’Amycus : « Là, un homme immense était assis en plein air, terrible à voir, aux oreilles brisées par les durs gantelets ; sa poitrine gigantesque était fortement bombée, et son large dos était recouvert d’une chair de fer, comme serait celle d’un colosse fabriqué avec le marteau ; sur ses bras vigoureux, les muscles de l’épaule se dressaient comme ces blocs de pierre que le torrent polit en les roulant dans ses vastes flots. » — Lucien (Dialogues des Morts, X, v) nous représente plaisamment Mercure ordonnant à un athlète de déposer sa chair avant d’entrer dans la barque, de peur de la faire chavirer : « Toi, ô homme épais, muni de chairs abondantes, qui es-tu ? — Damasias l’athlète… Reçois-moi, puisque je suis nu. — Toi nu, mon cher, oh non, tu es entouré de trop de chairs ! Dépouille-toi de ce fardeau avant d’entrer dans la barque, et n’y mets d’abord qu’un pied. »

  1. Ce membre de phrase, comme le remarque Wyttenbach (Bibl. crit., p. 110), semble tiré de Platon (De republ., VII, xix, p. 533 d) : « Καὶ τῷ ὅντι ἐν βορβόρῳ βαρβαρικῷ τινι τὸ τὴς ψυχῆς ὄμμα κατορωρυγμένον ἠρέμα ἕλκει καὶ ἀνάγει ἄνω. »
  2. Socrate (Xénophon, Mem. Socr., I, ii, 4) exprime la même pensée en d’autres termes.