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DES MŒURS DE L'ÂME.

j’aie recherché avec soin ; et si l’âme n’était en aucune façon une partie du corps, je ne comprendrais pas non plus comment elle pourrait s’étendre dans tout le corps. Je n’ai jamais pu, même par l’imagination, me représenter aucune de ces choses, bien que je l’aie désiré pendant longtemps ; mais je connais manifestement, en tant que phénomène, qu’une soustraction de sang ou que la ciguë refroidissent le corps, et qu’une fièvre violente l’échauffe ; et, je le demande de nouveau, pourquoi l’âme abandonne-t-elle complétement le corps refroidi ou échauffé outre mesure ? J’ai longtemps cherché la cause et je ne la trouve point ; je ne sais pas non plus pourquoi nous sommes pris de délire, par un excès de bile jaune dans le cerveau, ou de mélancolie, par un excès de bile noire, ou de léthargus, et par conséquent de perte de mémoire et d’intelligence, par un excès de flegme ou de toute autre matière refroidissante. J’ignore également pourquoi la ciguë provoque la folie ; la ciguë, dont le nom dérive de l’affection que je vois être produite par elle dans le corps[1]. Le vin dissipe manifestement toute espèce de chagrins et l’abattement, car chaque jour nous prenons du vin [dans ce but]. Zénon, suivant la tradition, disait : « De même que les lupins amers deviennent doux quand ils sont macérés dans l’eau, de même je me trouve bien disposé sous l’influence du vin[2]. » On prétend que la racine appelée œnopie[3]

  1. Dans l’Etymolog. magn., p. 551, lig. 13 (texte de M. Gaisford), on lit : Κώνειον δὲ αὐτὸ καλοῠσι διὰ τὸν γινόμενον εἰλιγμὸν καὶ σκότον τοῖς πίνουσιν · τὸ γὰρ στρέψαι κωνῆσαι ἔλεγον οἱ παλαιοί · ἢ παρὰ τὸ καίνειν καὶ κόπτειν · ἢ παρὰ τὸ κοίμημα.
  2. « On demandait un jour à Zénon comment il se faisait que lui, habituellement si austère, devenait si gai dans les festins ? « Les lupins macérés dans l’eau deviennent aussi plus doux, » répondit-il. Hécaton, dans le second livre des sentences, raconte que Zénon se relâchait de sa sévérité dans les réunions joyeuses. » Diogène de Laerte, VII, 1, 22. — Voy. aussi les notes de Ménage, p. 276, édit. de 1698, 4o.
  3. On a longuement disputé et même aujourd’hui l’on n’est pas d’accord sur la nature de la drogue (φάρμακον) qu’Hélène versa dans la coupe de Télémaque et dont le poëte dit : « qu’elle chasse le chagrin (νηπενθές). » Ce mot lui-même a donné lieu à beaucoup de discussions : les uns l’ont pris pour un nom propre de plante ou du moins de drogue ; les autres (et à ceux-là le contexte d’Homère donne pleinement raison), pour un adjectif (voy. P. La Seine, De Homeri nepenthe, etc. ; dans Gronovius, t. XI, p. 1329, et P. Petit, Homeri nepenthes, p. 4).