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Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T2-1856.djvu/600

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DES LIEUX AFFECTÉS, IV, ii.

ne sont pas dans leur état normal quant aux jugements intellectuels. D’autres, au contraire, ne commettent aucune erreur de jugement, mais sont entraînés d’une façon désordonnée par leurs sens. Il arrive à d’autres d’être lésés des deux façons. Voici comment se comportent l’une et l’autre affection :

Un individu en proie à la phrénitis, et demeurant dans sa maison, à Rome, avec un esclave ouvrier en laine, se leva de son lit et vint à la fenêtre, d’où il pouvait voir les passants et en être vu. Puis leur montrant chacun des vases en verre qu’il possédait, il leur demandait s’ils lui ordonnaient de les jeter. Ceux-ci l’engageant, avec des rires et en battant des mains, à les jeter, notre malade, les prit à la main, les lança tous successivement au bruit des rires et des acclamations. Puis il leur demanda s’ils voulaient qu’il jetât aussi l’esclave, et, sur leur réponse affirmative, il le jeta par la fenêtre. Les spectateurs, le voyant tomber de haut, cessèrent de rire, et, s’élançant, ils relevèrent le malheureux brisé. — J’observai l’affection opposée non pas seulement chez d’autres, mais encore sur moi-même, dans ma jeunesse. Atteint pendant l’été d’une fièvre ardente, je croyais voir voltiger sur mon lit des fétus de couleur sombre, et sur mes vêtements des flocons de même couleur. Je cherchais à les saisir, mais n’en pouvant prendre un avec mes doigts, je renouvelais mes tentatives avec plus d’application et d’insistance. J’entendis deux de mes amis présents se dire entre eux : « Oh ! le voici déjà qui est pris de crocidisme et de carphologie. » Je compris parfaitement que je souffrais ce qu’ils disaient, et comme je sentais en moi-même que mon intelligence n’éprouvait aucun dérangement : « Vous avez raison, leur dis-je ; venez donc à mon aide pour que la phrénitis ne s’empare pas de moi. » Ils s’occupèrent à pratiquer sur la tête des affusions convenables ; tout le jour et la nuit, je fus agité de rêves si pénibles, qu’ils m’arrachaient des cris et me faisaient bondir ; mais tous les symptômes s’apaisèrent le jour suivant.

Il est donc évident que l’origine des symptômes qui tiennent, eu égard à l’espèce, à une seule et même cause, ne dérive pas du même lieu primitivement affecté chez ceux qui, comme nous l’avons dit, éprouvent des affections de l’encéphale par sympathie avec l’estomac. En effet, lorsqu’il s’est amassé dans l’encéphale une humeur bilieuse, accompagnant une fièvre ardente,