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TATERLEY
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quand il la regardait. Elle portait tant de jolis rubans et de délicates dentelles.

Tout cela lui causait une telle émotion qu’il ne put que lui tenir la main, jusqu’au moment où elle la lui retira doucement, et ne sut que lui dire, d’une voix troublée et saccadée, combien elle était bonne d’être venue et combien il était heureux de la voir. Puis il se souvint que la porte était restée ouverte et il se leva pour la refermer. Tout à coup, elle était venue prendre le thé et il avait caché une foule de choses excellentes au fond de la caisse qui lui servait de sofa, des choses qu’il avait achetées exprès pour cette occasion. Il lui était horriblement pénible d’avoir à la déranger et, cependant, il le fallait absolument. Pour arriver à ce résultat, il mit en œuvre ses facultés diplomatiques et, se dirigeant d’un air négligent vers son chevalet, de la manière la plus naturelle du monde, il fit mine d’examiner sa toile.

— Avez-vous vu cela, miss Tarraut ?

Elle se leva aussitôt et, tout naturellement, elle vint à son côté pour examiner la toile. Elle se tenait si près de lui, qu’il sentait l’étoffe de son corsage lui caresser le bras et ce ne fut que poussé par l’extrême nécessité d’ouvrir la caisse-sofa qu’il se décida à esquisser un mouvement pour aller vers celui-ci.

Il avait levé le couvercle de sa caisse et en extrayait divers comestibles. quand il l’entendit qui lui disait :

— Oh ! monsieur Brett, c’est splendide ! Vous n’avez jamais rien fait de mieux et quelle belle…

Mais, en se retournant, elle avait jeté un regard vers lui et, s’interrompant, elle s’élança du côté du sofa auprès duquel il était toujours agenouillé, ce qui lui fit brusquement refermer le couvercle de la caisse, pendant qu’il rougissait, toujours à genoux en face d’elle.

— Oh ! je ne croyais pas que ça s’ouvrait, monsieur Brett ! Comme c’est bien imaginé. Et c’est là-dedans que vous rangez les objets de votre petit ménage de garçon ? Laissez-moi regarder, je vous en prie, laissez-moi vous aider.

Avant qu’il n’eût eu le temps de l’en empêcher, elle était aussi à genoux auprès de lui. Ils levèrent ensemble le couvercle, sous lequel ils penchèrent leurs deux têtes côte à côte.

— Voyez-vous, il n’y a pas beaucoup de placards dans ces chambres, de sorte que…

— Mais, c’est bien plus gentil. Tout le monde peut avoir des placards, les gens les plus ordinaires, vous savez. Est-ce vraiment vous qui avez pensé à cela ? — Elle se pencha un peu plus pour bien regarder tout au fond de la caisse.

— Une bouilloire ! nous en aurons besoin et…

— Oh ! vraiment, miss Tarraut, vous allez vous salir les mains, non, vos gants, veux-je dire. Vous savez, c’est très sale, ajouta-t-il en la voyant se mettre en demeure de prendre l’objet en question.

Il sortit la bouilloire et la posa sur le tapis.

— Laissez-moi retirer mes gants, je veux vous aider. Je le puis, n’est-ce pas ?

— Certainement, si vous le désirez, commença-t-il.

Mais elle l’interrompit vivement.

— Oui, oui, ce sera bien plus gentil, si je ne vous contrarie sûrement pas, monsieur Brett. Je ne veux pas rester tranquille pendant que vous me serviriez ; ce sera bien plus amusant si nous nous y mettons tous les deux.

La voir s’agiter doucement, au milieu de ce pauvre atelier retentissant de sa voix argentine, était un délicieux spectacle.

— Mon Dieu, que c’est gentil à vous d’être venue me voir comme ça ! commença-t-il, lorsqu’ils furent assis en face l’un de l’autre à sa petite table étroite. Jusqu’ici je trouvais mon appartement horriblement triste, désormais j’en aurai une tout autre impression.