Page:Galmot - Quelle étrange histoire, 1918.djvu/29

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Les marchands et les colons d’autrefois lui sont restés fidèles parce qu’il avait connu les rires et l’amour de leur jeunesse.

Mais les marchands et les colons sont morts, tout le long de la route, un à un, et très vite.

Le Bateau est resté seul. Alors, comme les vieilles gens, il est rentré en lui-même, et il n’a plus vécu que pour les souvenirs. Il a gravé dans ses yeux l’image des créoles en crinoline. Dévotement, fidèlement, il a vieilli dans le culte de celles qui l’avaient aimé.

La Mer est restée son amie… Fantasque et amoureuse la Mer aime le vieux Bateau qui est indulgent et qui raconte tant et tant de troublantes histoires d’amour.

Comme elle se recueille et comme elle devient attentive et calme, la Mer, quand le vieux bateau lui parle des amours d’autrefois !…

Quand l’amour passe, la Mer immobile et dévote se fait lyrique, coquette et tendre. Elle écoute…

Et quelle volupté quand l’amour écrit sur la table immobile de l’eau le récit ardent…

Hélas ! la trace du récit disparaît aussitôt de la cire mouvante qui l’a reçue. Et c’est pourquoi la Mer écoute encore, sans jamais se lasser, le Bateau qui n’oublie jamais.

Le Bateau a tant de points de repère pour se