Page:Galmot - Quelle étrange histoire, 1918.djvu/31

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N’est-ce pas lui qui a suggéré au capitaine l’idée d’offrir du gin au déjeuner ? Idée saugrenue, car, ma parole, tout le monde est ivre à bord… Le capitaine, apoplectique, joue avec ses lèvres la valse à la mode et accompagne les ébats des danseurs de larges tapes dans les dos.

— Tu ne vois donc pas qu’Elle va venir, fait le Bateau bientôt las de jouer à escalader les crêtes des vagues. Tu ne comprends rien et tu es triste… Alors, pourquoi as-tu quitté ton pays ? Pourquoi as-tu quitté les châtaigniers et les champs de genêts que tu aimes ? Tu es paysan, tu dois vivre immobile sur la même terre où tes ancêtres ont vécu et sont morts. Et tu es là, tu cours le monde, et tu ne sais rien. Tu écoutes, tu écoutes… et je vois bien que ton cœur reste dur parce que tu ne peux pas comprendre, parce que ton esprit n’entend que le langage du vent dans les bois et la prière monotone de la terre immobile et stérile.

Une bande de marsouins court le long du bord. Ils sautent hors de l’eau, plongent, et vont de front par dizaines, comme des soldats.

Un vol de mouettes s’abat sur le troupeau de marsouins et repart en désordre parmi des cris d’épouvante.