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Page:Galmot - Quelle étrange histoire, 1918.djvu/47

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Mais l’anneau de l’horizon se resserre encore ; le bateau, ou ce cercle étroit, prend des proportions de géant…

Une atroce tristesse étreint le ciel et me tient le cœur dans un étau.

Les portes entr’ouvertes des cabines sur le pont glissent lentement sur leurs ferrures et pleurent d’ennui.

Ah ! partir ! échapper à ce cercueil de silence ! entendre des voix d’hommes, des voix qui disent de la joie, de la vie…

Je pense aux visages familiers du village, aux visages que j’ai vus pendant tant d’années au même endroit, à la même heure, tous les jours ; aux visages qui ne changent jamais et que j’ai tant haïs, parce qu’ils étaient monotones…

Les peupliers dans les prés qui bordent les routes s’agitent au vent, frissonnent et crient et pleurent… les visages des paysans se parent, le soir, de lassitude et d’appétit repu ; ils se parent aussi d’envie, de haine, peut-être d’amour.

Et ce bateau immobile et muet qui glisse dans un désert !…

Pourquoi reste-t-Elle en bas, dans sa cabine ? Pourquoi ne vient-Elle jamais sur le pont ? Pourquoi ce violon est-il tendre et poignant, et pourquoi chante-t-Elle, le soir, si longtemps ?