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VI



QUELLE vie ardente dans la vallée…

La drague au travail rugit. Les coups de compresseurs, les hurlements des sirènes, les cris des treuils, les grondements métalliques de l’élinde, les vibrations des tables de séparation semblables à d’immenses cribles, les gémissements des godets dégouttant de boue jaune et cheminant lourdement sur les plans inclinés, tous les bruits d’une cité bourdonnante d’usines emplissent l’air d’une clameur ininterrompue.

Sur la berge du lac, les tracteurs rampent avec un crépitement de moteurs. Des troncs d’arbres en grume, halés par les filins d’acier invisibles, ressemblent à de monstrueuses chenilles sortant à la file de la brousse. Ils buttent aux roches du chemin, basculent, contournent les obstacles, et vont, avec de courts soubresauts, agiles, ballotés et houleux, vers la scierie qui les dévore.

La scierie stridente a des toits de zinc qui flamboient au soleil. Une longue vibration, aiguë et douloureuse aux nerfs, secoue l’air embué de poussière de bois. Par le pan ouvert, les arbres couchés entrent un à un, et très vite, comme les pirogues sous la voûte des palétuviers au tournant d’un rapide.