Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/51

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Le capitaine avait avec lui sa femme et ses deux gosses. Il y avait Nadaud, le chien. Toute ma vie est là. La bonne femme me couchait avec ses petits. Je ne travaillais pas, je jouais, je mangeais à ma faim et on dormait… on dormait… On allait n’importe où, prendre n’importe quoi, partout où il y avait du fret. Les îles, Rio, la côte d’Afrique, la Finlande… La belle barque, ronde, robuste… Pas un cri, pas un coup… un équipage qui chantait le soir en chœur pour nous faire pleurer. Ah ! la belle barque… Ma vie a commencé là. Quand la fièvre monte, c’est cette vie qui revient.

— La fièvre, fit lentement Loubet, c’est une soûlerie. Avant de perdre connaissance, avant de hurler comme un fou, on est ivre… Et ta barque ?… Après ?

— C’est fini… Le capitaine m’a débarqué à Trinidad à cause de la peste.

— …

— La femme et un gosse sont morts, avec le quartier-maître et le coq. Alors, j’ai roulé… j’ai travaillé aux puits de pétrole de l’île, puis sur un tank-steamer de Trinidad à New York, puis sur un voilier qui péchait la perle au Venezuela… puis, me voici.

— C’est ta vie… Et maintenant, ici, que fais-tu ?… Quel est ton but ?