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retiré des affaires

que l’on avait oublié d’évacuer les prisonniers qui se trouvaient à l’infirmerie. Il y eut alors une minute d’affolement parmi le personnel.

En présence du danger qui menaçait les pauvres malades, j’avais retrouvé toute mon énergie et j’étais redevenu, par un phénomène que j’attribue à une subite excitation nerveuse, l’Edgar Pipe des anciens jours.

Sans que personne me l’eût commandé, je m’élançai avec les « fire-men » dans la fournaise, gravis en courant un escalier que les flammes commençaient à lécher, empoignai dans mes bras un malheureux immobilisé dans son lit, le descendis rapidement dans la cour et retournai ensuite, au risque de me faire griller, en chercher un autre. À la fin, comme personne n’osait plus s’aventurer dans l’escalier en feu, je me dévouai, aux applaudissements de tous et fus assez heureux pour ramener le dernier malade, un vieillard paralysé que la terreur rendait fou et qui poussait des cris déchirants.

Je n’étais que légèrement brûlé aux mains et aux bras, car pour pénétrer dans le brasier, j’avais eu soin de m’envelopper d’une couverture mouillée. Je fus le seul, avec deux autres détenus, à coopérer au sauvetage et chacun s’accorda à reconnaître que j’avais été le plus audacieux…

De l’avis même des « fire-men » j’étais un héros… et mon numéro — j’allais dire mon nom — circula bientôt dans tous les groupes.

À cinq heures du matin, on était enfin parvenu à noyer l’incendie. Les magasins et les ateliers avaient été en partie détruits. Quant à la maison de détention proprement dite, ainsi que le pavillon où logeait le directeur, ils étaient intacts. Par contre, le hangar qui abritait la machinerie du Tread-Mill et celui où se trouvait la fameuse « chambre » de justice, avaient flambé comme un feu de paille et je soupçonne fort les détenus, qui faisaient la chaîne et se passaient les seaux d’eau, de n’avoir pas montré beaucoup d’empressement à protéger ces deux affreuses bicoques.