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retiré des affaires

J’avais honte de ma conduite à l’égard de ces malheureux que j’avais indignement trompés… C’était lâche ce que j’avais fait… c’était ignoble… Pour un peu, j’eusse tout avoué à ces pauvres gens, mais le sens pratique qui ne m’abandonne jamais, même dans les circonstances les plus graves, refréna le mouvement de générosité auquel j’étais près d’obéir… Moi aussi j’avais souffert… et j’allais souffrir encore si je ne profitais pas de l’occasion qui m’était offerte de m’enrichir enfin…

Je relevai la femme, toujours prostrée à mes pieds, la regardai longuement, et laissai tomber ces mots :

— Croyez, madame, que je souffre autant que vous… Jamais, depuis que j’exerce le métier de détective, je n’ai été si troublé que je le suis en ce moment… Moi aussi, je m’étais attaché à vous, et j’ai hésité longtemps avant de me décider à accomplir ce que je considère comme mon devoir… Je vous plains, oui, je vous plains de tout mon cœur… et, tenez, dussé-je un jour payer cher ce geste d’humanité, je consens…

Richard Stone s’était approché. Sa femme m’embrassait les mains en bégayant :

— Oh ! je savais bien que vous étiez bon… je savais bien que vous aviez du cœur… monsieur Dickson…

— Je consens, repris-je, presque à voix basse, en courbant la tête comme un homme écrasé par l’aveu qu’il va faire… je consens à vous sauver…

— Oh ! merci !… merci !… s’écria Stone. Je vous dois plus que la vie… et tenez… cet argent… eh bien ! je vous en donne la moitié… oui, la moitié… ce n’est pas trop, pour récompenser un tel service.

Je pris un air offensé :

— Vous ne m’avez pas compris… et la proposition que vous me faites me blesse profondément… Je croyais que vous m’aviez mieux jugé…

— Pardon… fit Mme Stone… mon mari supposait…

— Que j’étais un de ces individus que l’on peut acheter… il s’est grossièrement trompé… Si je cède en ce