Page:Gandhi - La Jeune Inde.djvu/22

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des tribunaux, et de l’opinion publique excitée par la presse. Cette expérience, timidement commencée par une poignée de sacrifices, aboutit brusquement à un formidable élan : quarante mille hommes et femmes s’offrant à la prison. Et la victoire fut gagnée, sans qu’il y eût de sang versé, — « uniquement par une discipline énergique de souffrance personnelle »[1].

Quelle est donc cette arme nouvelle, qui brise les tanks et les canons ? — « L’épée du sacrifice de soi. » (15 décembre 1921).

Remarquez ce mot d’« épée ». Gandhi lui-même le souligne, et le reprend, à diverses reprises. Il l’oppose à « l’épée d’acier », lame contre lame. — Qui parle de bras croisés, d’acceptation bêlante ? Gandhi est profondément sûr que l’Angleterre ne cédera aux demandes de l’Inde « que lorsque l’épée l’y aura forcée ». — Mais cette épée invincible : un peuple qui s’offre à la mort.

Quel non-sens d’avoir jamais pu confondre ce paroxysme de l’action avec la race ovine des pacifistes passifs ! Il n’y a pas un grain de passivité dans l’être d’un Gandhi. Tout est « action directe. » … « Rien, sur cette terre, n’a jamais été accompli sans action directe »[2]. Elle ne lui paraît pas seulement nécessaire pour la victoire d’une cause ou d’une idée. Elle est même un bienfait pour celui qui l’emploie, une hygiène de l’âme ; elle lui donne l’équilibre, le sentiment de sa force ; elle le préserve de la rancune amère et impuissante[3].

  1. 20 avril 1921.
  2. p. 64.
  3. « En enseignant au faible l’action directe,… je lui donne le sentiment d’être fort et capable de défier la force physique. Il se sent ragaillardi par la lutte, il reprend conscience de soi, et sachant qu’en lui-même il trouvera le remède, il cesse de nourrir dans