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GRANDE-BRETAGNE

Clôture de la Table ronde[1]

LES PRÉDICTIONS DE GANDHI
L’AJOURNEMENT « SINE DIE »


Notre correspondant de Londres nous téléphonait mardi soir :

Les nouvelles du Bengale parvenaient à Londres tandis que siégeait encore la conférence de la Table Ronde, qui n’a levé sa seconde séance plénière qu’à 2 h. 15 mardi matin, après quinze heures de discours. En l’apprenant, Gandhi déclara à la Conférence :

Les nations n’ont jamais obtenu leurs libertés que par des sacrifices et par le sang. Je n’ai aucune sympathie pour les terroristes, mais s’il le fallait, les masses des Indes auraient recours à la violence.

Appelez cela comme vous le voudrez, c’est l’indépendance complète que nous voulons. Je ne tiens pas à rompre les liens qui unissent l’Inde et la Grande-Bretagne, mais ces liens doivent être basés sur la liberté. Vous avez à combattre le terrorisme par la terreur parce que vous n’avez pas voulu lire les mots tracés sur le mur. Je vous avertis de ne pas trop abuser de la patience du peuple le plus patient du monde.

C’est sous le coup du malaise résultant de la nouvelle de lundi et de la réplique de Gandhi que la conférence s’est réunie mardi matin pour sa séance de clôture, dans le salon de la reine Anne au palais St-James.

Au milieu d’un profond silence, le premier ministre a lu un message du roi disant notamment :

Je ne méconnais pas les difficultés qui se sont fait jour et je vous prie de ne pas vous laisser décourager. J’espère que les grandes communautés hindoues poursuivront leur œuvre de coopération et de discussion pacifique.

M. Mac Donald a fait ensuite l’exposé de la politique du gouvernement à l’égard de l’Inde.

Le gouvernement britannique, a-t-il dit, doit réaffirmer sa foi en une fédération pan-hindoue comme offrant la seule solution du problème constitutionnel de l’Inde. Je regrette que par suite de l’impossibilité de trancher l’importante question de la sauvegarde des minorités sous un gouvernement central responsable, la conférence n’ait pu discuter efficacement.

Le gouvernement va désigner quatre comités composés de représentants de la Grande-Bretagne et des Indes, sous la présidence de personnalités britanniques, telle que lord Sankey, pour continuer aux Indes l’étude des problèmes laissés en suspens par les deux conférences de la Table Ronde.

Le premier ministre ayant parlé, M. Gandhi a été chargé de lui adresser les remerciements d’usage. Il l’a fait de bonne grace, mais il a ajouté :

J’étudierai votre déclaration une, deux, trois fois, aussi souvent qu’il sera nécessaire, pour en découvrir le sens caché, si elle en a un. Si j’aboutis à cette conclusion qu’il ne nous est plus possible de suivre la même route, nous en prendrons notre parti en ce qui nous concerne.

M. Mac Donald a levé son maillet et, en frappant un coup sonore sur la table, a prononcé l’ajournement sine die de la conférence. Ainsi se termine la seconde conférence de la Table Ronde qui devait façonner l’édifice constitutionnel de l’Inde. Elle s’achève en pleine incertitude. Un débat sur l’Inde s’ouvrira mercredi à la Chambre des communes.

  1. Extrait du Journal de Genève du 3 décembre 1931.