Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/100

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— Messieurs, dit froidement l’Hermite, qui cachait avec soin les tourments affreux que son noble cœur endurait, messieurs, dit-il à ses officiers réunis autour de lui, si le vent reste encore quelque temps au même point, ce qui n’est que trop probable, il nous faudra forcément abandonner provisoirement le mouillage. Sans le secours de la brise, nous ne pouvons prétendre à aucun succès. Notre devoir est de partir coûte que coûte…

L’Hermite fit une légère pause, puis reprit vivement :

— Partir n’est pas fuir, messieurs, n’est-ce pas ? Demain, une fois maîtres du vent, nous reviendrons à la charge suivre mon plan d’attaque, et, je vous le dis, sans crainte que les événements me donnent un démenti, nous réussirons… Au reste, nous n’avons pas à craindre que les navires ennemis s’échouent à la côte plutôt que se rendre ; car cette côte est habitée par des tribus féroces qui attendent et espèrent déjà avoir des victimes à égorger… Oui, je vous le répète, ces navires ne nous échapperont pas… Le vent ne change pas… Allons, il faut en finir… mieux vaut tout de suite que plus tard… partons… Monsieur Dalbarade, annoncez ma résolution à l’équipage, et envoyez les gabiers préparer le gréement pour l’appareillage.

L’Hermite achevait de donner cet ordre, lorsqu’une embarcation, celle qu’il avait envoyée pour amariner le vaisseau de la Compagnie, accosta la frégate : en deux bonds, M. Graffin fut sur le pont.

— Ah ! Graffin, vous voilà ! s’écria l’Hermite avec une émotion d’autant plus vraie que personne mieux que lui ne savait se maîtriser. Eh bien, j’en suis bien aise, je vous croyais…, ajouta-t-il froidement.

— On ne se laisse pas… comme cela par les Anglais, capitaine, lui répondit en souriant M. Graffin, qui, joignant