Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/105

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Enfin le brûlot est presque bord à bord avec la frégate ; l’hésitation n’est plus possible, elle deviendrait un crime.

— Hors le petit foc ! s’écrie enfin l’Hermite d’une voix que la colère fait trembler, coupe le câble, borde et hisse les huniers !

Aussitôt la frégate, dégagée de ses liens et obéissant à l’impulsion du vent, à l’action de la marée et à ses voiles en lambeaux, précipitée subitement du haut des vergues, glisse et s’échappe sur la pleine mer.

À peine quelques minutes s’étaient-elles écoulées depuis l’appareillage, qu’une détonation épouvantable, sans nom, fit trembler la Preneuse et éclaira d’une immense et éblouissante gerbe de flammes la scène de carnage que nous venions de quitter à temps.

Peu après, d’épaisses ténèbres remplacèrent cette éclatante catastrophe, et nous enveloppèrent de leurs ombres. Nous nous hâtâmes de forcer les voiles, afin que l’ennemi, au jour naissant qui allait bientôt paraître, ne pût jouir de la vue des graves avaries que nous avions éprouvées. Quoique l’équipage fût accablé de fatigue, il n’en resta pas moins debout jusqu’au lendemain matin, occupé à enverguer de nouvelles voiles, jumeler les bas mâts et les vergues, étancher les nombreuses voies d’eau de la carène et à raccommoder les embarcations ; ce travail, rendu extrêmement dangereux par les poulies et les débris de la mâture, par les cordages rompus qui cédaient à chaque instant sous les efforts des haleurs et blessaient beaucoup de monde, n’en fut pas moins terminé tout d’un trait.

Nous espérions qu’au moins une belle journée et un vent favorable nous récompenseraient de nos pertes et de nos fatigues, en nous permettant de prendre notre revanche ; mais