Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/12

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vêtement taillé en entier dans une grossière toile noire que j’avais reçu au ministère de la marine je faisais une fort triste figure. Mon cousin me présenta alors officiellement à ses amis comme étant son parent, un jeune homme qui avait reçu de l’éducation et donnait des espérances, et ces messieurs devinrent aussitôt pour moi pleins de bienveillance.

Parmi les convives je vis un capitaine de vaisseau dont la figure franche et martiale attira tout d’abord mon atten­tion et éveilla toute ma sympathie. C’était l’Hermite. J’étais bien loin de songer, en l’apercevant ainsi pour la première fois, que sous peu, presque pour mon début, je me retrouverais avec lui dans des circonstances critiques et terribles, et que son amitié pour moi durerait jusqu’au dernier jour de sa vie.

Au dessert, mon cousin me présenta plus spécialement à un jeune enseigne de sa frégate, M. de la Bretonnière, en le priant de vouloir bien s’occuper de moi. M. de la Bretonnière m’entraîna obligeamment dans une embrasure de fenêtre, et là, tout en prenant son café, m’adressa de nombreuses questions. Mes réponses eurent le bonheur de lui plaire, car me frappant doucement sur l’épaule :

— Mon ami, me dit-il, vous me convenez beaucoup ; je m’engage, si vous restez digne, comme je le pense, de mon intérêt, à vous aider de mes conseils et de mon expérience.

Jamais parole n’a été plus loyalement remplie. Depuis ce moment, jusqu’au 20 janvier de cette année (1815), jour triste et à jamais douloureux, hélas ! où j’ai accompagné le corps du contre-amiral la Bretonnière à sa demeure dernière, son affection pour moi ne s’est pas démentie un seul instant.