Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/121

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était alors trois heures et demie –, la tourmente s’était apaisée ; le navire, remis un peu en équilibre, fatiguait moins et gouvernait mieux.

L’équipage, libre de son temps, examinait avec une anxieuse attention notre chasseur, dont la voilure, éclairée à pic à son sommet, par la lune approchant du zénith, prenait de loin l’aspect d’un immense glaçon couvert de neige.

L’Hermite, voyant la Preneuse en bonne position, et n’ayant plus à s’inquiéter de la manœuvre, invite les officiers et l’équipage à profiter de l’intervalle qui les sépare encore de l’heure du combat pour prendre un peu de repos. Des surveillants sont placés aux drisses et aux écoutes, et il reste seul sur le pont avec son lieutenant en pied Dalbarade.

Assez longtemps, absorbés tous les deux par leurs pensées, ils se promènent sans prononcer une parole : enfin M. Dalbarade, dont le caractère violent, tyrannique même, avait parfois besoin d’une victime, rompt le silence en s’adressant à un quartier-maître :

— Éveillez-moi cette carogne à grands coups de corde, s’écria-t-il en lui désignant un malheureux matelot qui, chargé de surveiller la drisse du grand perroquet, avait cédé au sommeil irrésistible produit par la fatigue, et s’était assoupi.

- Arrêtez, dit l’Hermite, je vais réveiller moi-même cet homme.

Le capitaine, se penchant alors vers le coupable, appuya doucement sa main sur son épaule : celui-ci ouvrit tout de suite les yeux.

— Mon ami, lui dit l’Hermite, je ne pourrai donc plus avoir désormais confiance en toi 1… Comment, tu dors !… et l’ennemi