Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/130

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fraîches caresses ne tempèrent en rien la fureur de ces hommes que le feu du carnage anime. La poulaine de la frégate semble s’abaisser humblement devant la poupe orgueilleuse du vaisseau qui la domine. Du haut de ce retranchement, les Anglais stimulés par le danger, car ils commencent à comprendre à qui ils ont affaire, excités surtout par la haine nationale, encouragés par la voix de leurs chefs, tuent, en poussant des cris de défi et de joie, nos gens placés à découvert sur les gaillards.

Des deux côtés, les matelots, armés jusqu’aux dents, répartis dans le gréement, accrochés à toutes les saillies des navires, attendent, l’œil flamboyant, l’injure à la bouche, les joues pourpres de rage, le moment de l’abordage. Nos hommes maudissent, en accompagnant leurs regrets, pour les adoucir un peu, de coups de fusil et d’espingole, la distance qui les sépare encore de l’anglais.

Hélas ! la Preneuse, trahie de nouveau par sa marche, au lieu d’atteindre avec sa poulaine l’embelle de son ennemi pour l’aborder favorablement, touche seulement son couronnement du bout de son beaupré. Dès lors plus d’espoir d’en venir à l’arme blanche. Nos gréements retentissent des imprécations poussées par nos matelots, dont cette vaine tentative a comblé la fureur.

Le Jupiter (c’est alors seulement que l’on découvre le nom du vaisseau anglais, écrit sur son arrière), le Jupiter nous dépasse de l’avant !

— Envoyez-lui la volée en poupe maintenant, pointez sur son gouvernail, et ne tirez qu’à coup sûr… entendez-vous… qu’à coup sûr… enfants ! hèle l’Hermite aux canonniers à travers les cris des deux équipages.

L’abordage n’a pas lieu, et cependant au bruit des tambours et des fanfares, aux rugissements de nos matelots cloués