Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/159

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de précautions, la Preneuse a été entraînée très près de la côte. À peine les voiles sont-elles boulinées, qu’un froissement subit de la quille fait battre tous les cœurs et renverse nos espérances.

Un seul cri, poussé spontanément par tout le monde, retentit sur le pont : « Nous touchons ! »

— Silence ! commande l’Hermite.

Les coups de talon que donne la frégate se succèdent avec rapidité et font vibrer la mâture ; l’avant du navire tourne vers la terre et sa marche est arrêtée : le vent fraîchit du large.

En quelques minutes la population de l’île accourt de toutes parts et couvre partout le pourtour de la baie.

— Messieurs, dit l’Hermite, qui dans ce moment critique oublie le mal qui l’accable pour ne plus s’occuper que du salut de la frégate, nous ne devons maintenant songer qu’à une seule chose : tirer le meilleur parti possible de notre position. Il faut tenter par tous les moyens de forcer la frégate à présenter le travers au large, de manière qu’elle puisse se défendre.

En conséquence, les voiles sont aussitôt serrées et les embarcations mises à la mer. On aperçoit alors l’énorme pâté de corail qui enchaîne la carène du vaisseau. La chaloupe va mouiller au large une ancre de bossoir.

— Tout ce que je demande, messieurs, dit l’Hermite en s’adressant à ses officiers, c’est de pouvoir combattre ! Combattre est ici toute la question ! que notre malheur, qui retombe sur la France, ne soit pas au moins tout à fait gratuit ; profitons-en pour maltraiter de telle façon l’ennemi qu’il soit forcé de lever sa croisière. Vous me direz que nous avons affaire à des forces supérieures écrasantes ! Qu’importe ! N’est-ce pas à quelques lieues à peine de cette