Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/181

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me serait-il permis de vous demander, sans indiscrétion, si notre feu vous a occasionné quelque dommage dans la baie de Lagoa ?

— Je vous répondrai avec ma franchise habituelle : Oui, votre attaque nous a été funeste. À peine aviez-vous mis à la voile, que le vaisseau de la Compagnie a coulé bas. Quant à la corvette et au baleinier, ils n’étaient guère en meilleur état : c’était à peine s’il leur restait assez de monde pour manœuvrer, tant vous aviez décimé leurs équipages. Ils ont eu toutes les peines imaginables à regagner le Cap. Ah ! sans l’heureuse tempête du lendemain, qui vous a probablement, du moins nous l’avons pensé ainsi, empêchés de revenir, nous étions obligés de nous rendre à discrétion. C’est là, pour vous, un bien beau fait d’armes !…

— Mais comment se fait-il donc, monsieur, lui demandai-je en ne voulant pas insister devant tant de loyauté et de franchise sur des événements qui devaient lui être pénibles, comment se fait-il donc, monsieur, que j’aie l’honneur de vous voir en ce moment à l’île de France ?

— J’ai été surpris, dans une embarcation, en venant reconnaître la côte, je suis prisonnier de guerre sur parole…

Une semaine s’était écoulée depuis que l’Hermite était à bord du vaisseau amiral anglais. Chaque jour des embarcations envoyées avec le drapeau parlementaire allaient s’enquérir de l’état de sa santé. Il me serait impossible d’exprimer l’intérêt qu’inspirait à tous les habitants de l’île de France le sort du noble prisonnier. On avait offert, par souscription, de payer une somme énorme pour sa rançon. Inutile d’ajouter que l’amiral Pelew n’avait pas même daigné consentir à discuter cette proposition.