Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/186

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— C’est du propre, de dire comme ça des mots à son matelot ! me répondit-il. Eh ! embrasse-moi donc, petit… Nom de noms, t’es poussé comme tout… Ça me fait plaisir… là, vrai !…

— Kernau ! m’écriai-je en reconnaissant le Breton.

— Lui-même, vieux, et allons donc ! Fais pas attention si la musique manque : le cœur y est, ça suffit !

Nous nous embrassâmes avec effusion.

— Comment donc se fait-il, matelot, lui demandai-je lorsque je fus un peu revenu de ma surprise, que je te retrouve ici ?…

— Dame ! tu m’y trouves probablement parce que j’y suis !… C’est bête comme tout, ta question, vieux ! Est-ce que la terre n’est pas ronde ? Oui, n’est-ce pas ? Eh bien, alors, qu’est-ce qu’il y a de drôle à ce que deux matelots qui roulent leurs bosses de tous les côtés finissent par se rencontrer sur cette boule ? T’as grandi beaucoup, c’est positif, mais tu n’as pas gagné du côté de l’esprit… Faut croire !… que ma société t’a manque…

— Le fait est que je t’ai bien souvent regretté…

— Et moi donc ! d’autant plus que j’ai appris que vous vous êtes fichu de gentilles peignées à bord de la Preneuse. Vous avez eu de la chance !

— Et toi, qu’es-tu donc devenu depuis notre séparation à Cavit ?

— Moi, vieux, j’ai eu besoin des bonheurs embêtants ! Tu te rappelles de la petite Gloria, hein ? Quelque chose d’un peu joli et d’un peu grandement canaille, va ! Et le moine Perez ! Un fainéant qui s’obstinait à me larder de coups de couteau en cachette ; oh ! cette fois, je l’ai tapé pour de bon… tant pis ! Dieu, en ai-je eu de l’agrément et des charges depuis que je t’ai quitté ! Je te raconterai cela un jour que nous serons de quart ensemble !