Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/191

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me mets d’un bond sur mes pieds et j’ vas pour poursuivre ma peau d’ébène et mon English ! Enfoncé ! ils ont disparu… Je cherche, je furète… rien, rien ! Et voilà mon histoire !

— Eh bien, matelot, que vois-tu de menaçant dans tout cela pour l’Hermite ?

— Ce que je vois de menaçant, mille tonnerres ! Tu m’as l’air drôle avec ta question. Ne sais-tu donc pas, vieux, que l’île de France entière est parsemée d’espions anglais ?.. Il y en a partout… derrière les haies, sous les pierres, dans les champs de cannes à sucre, quoi… je te le répète, partout.

— Je sais en effet que l’Angleterre possède des agents nombreux et entretient des intelligences dans l’île ; c’est là un fait malheureusement trop certain et que l’on ne peut mettre en doute. Mais j’en reviens à ma première idée ; à quel danger crois-tu donc que soit exposé l’Hermite ?

— Est-ce que je le sais, donc ? Si je le savais, il n’y aurait plus de danger, pardi !… Je giflerais toutes ces canailles-là que le diable en prendrait les armes ! Seulement, quoique je ne sois pas éduqué comme toi, vieux, je n’en ai pas moins pour cela mon petit grain de bon sens tout de même ; or, voilà le raisonnement que je me suis fait : L’Hermite vient de fich’ des peignées aux English. L’Hermite s’annonce comme un gaillard qui deviendra tout au moins un Suffren… Or, la vie d’un homme comme ça, vieux, ça coûte des millions à l’Angleterre… Ça ruine ses établissements, ça bouscule son commerce, ça empoigne ses navires !… Bref, ça l’embête considérablement… Tu es d’accord avec moi là-dessus, n’est-ce pas ?

— Oui, il est en effet incontestable que l’Hermite est en ce moment le plus dangereux ennemi que possède la puissance anglaise dans les mers de l’Inde.