Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/208

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terre et semblait dormir. Une bouteille d’arack, à moitié vide, reposait près de lui. Lorsqu’on voulut le faire lever, on le trouva mort. Le reste de l’arack contenu dans la bouteille fut porté au médecin, qui déclara que cette liqueur était empoisonnée. Comment cela avait-il eu lieu ? On ne l’a jamais su, et comme je ne fais pas un roman ici, et que je me contente de retracer les faits dont j’ai été le témoin, dans toute leur véracité, je me vois forcé, quitte à déplaire au lecteur, de laisser ces événements sans explication aucune. Pendant quinze jours on craignit pour la vie de l’Hermite. Cependant, soit que le poison eût été attaqué à temps, soit que la constitution du rude et vaillant capitaine eût pris le dessus, toujours est-il qu’après un traitement bien suivi de deux semaines il entra en pleine convalescence. Quant à moi, je crois inutile de mentionner que pendant tout le temps de sa maladie je le veillai constamment et ne le quittai pas d’une minute. L’Hermite, quelque naturelle qu’ait été ma conduite en cette circonstance, m’en garda toujours une vive reconnaissance. Au reste, quoique notre brave capitaine fût sorti victorieux de cette épouvantable lutte avec le poison, la victoire ne fut pas pour lui sans désastres. Vingt ans plus tard, lorsque je le retrouvai préfet maritime à Toulon, il se ressentait encore profondément de cette affreuse secousse : ses mains crispées et ses jambes tremblantes, dont il pouvait à peine se servir, témoignaient, hélas ! d’une façon irrécusable de la terrible puissance du poison que composent les Noirs. Le capitaine l’Hermite, une fois rétabli, retourna à la ville, où son entrée fut presque un triomphe. Reconnaissant, je l’ai déjà dit, outre mesure, des soins que j’avais