Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/224

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bien moins de périls que la façon dont on juge ici les procès.

— Ah bah ! tiens, au fait, puisque nous n’avons rien de mieux à faire que de causer, mettez-moi donc un peu au courant des mœurs des Malgaches.

— Je ne demande pas mieux, seigneurie : voilà vingt ans que je demeure parmi eux, et personne ne peut les connaître mieux que moi.

— Voyons ! D’abord, puisqu’il en est question, commencez par m’apprendre comment se passent ici les procès.

— C’est bien simple, seigneurie. D’abord les deux parties adverses s’adressent aux vieillards les plus instruits des lois.

— Gratis et sans bourse délier ?

— Cela va sans dire. Alors les vieillards pèsent les raisons qu’on leur donne et prononcent que ne sachant pas au juste lequel des deux adversaires a raison, ils les renvoient l’un et l’autre à l’épreuve du tanguin.

— Qu’est-ce que le tanguin ?

— Le tanguin est un arbre qui produit des pommes extrêmement vénéneuses. Or, une fois la sentence des vieillards rendue, on s’empare des plaideurs et on les attache à un pied solidement fixé en terre. Alors l’empassanguin ou exécuteur prend deux pommes de tanguin, en exprime le jus dans l’eau, et présente la potion ainsi préparée aux deux plaideurs. Celui qui refuse de la prendre est considéré comme coupable et condamné à mort ; aussi ni l’un ni l’autre n’hésitent jamais à l’avaler. Pendant qu’ils boivent, l’exécuteur invoque les puissances de l’enfer pour qu’elles fassent connaître la vérité.