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Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/23

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fit éprouver ce mauvais temps, de l’abattement d’esprit qu’il me causa. Ah ! s’il m’eût été donné alors de pouvoir, par le seul effort de ma volonté, retourner à terre, mon père ne m’eût pas attendu longtemps.

Toutefois, j’étais si jeune et si plein d’enthousiasme, que le premier rayon de soleil chassa toutes mes sombres idées, et me rendit à mes espérances et à mes rêves.

Quinze jours après notre départ de la rade de l’île d’Aix, après avoir reconnu Madère, nous relâchâmes au port de Santa-Cruz de l’île de Palma, l’une des Canaries, où nous restâmes toute une semaine. À peine mon cousin Beaulieu était-il débarqué qu’il me fit appeler à son hôtel. C’était la première fois qu’il s’inquiétait de moi depuis notre départ de France ; aussi ne fut-ce pas sans une certaine appréhension que je franchis le seuil de la porte de sa chambre. J’ignorais si c’était le capitaine ou le parent que j’allais voir : mes doutes à cet égard ne durèrent pas longtemps.

— Eh bien ! mon cher Louis, me dit-il en me donnant une cordiale poignée de main, comment te trouves-tu de ton nouvel état ? Ravi, n’est-ce pas ? Et pourtant tu n’as pas encore entendu le bruit du canon, tu n’as pas vu couler une frégate anglaise, tu n’as pas assisté à un abordage… Que de bonheur t’est réservé ! Quant à moi, je dois te confesser que je suis très satisfait de ta conduite… Je suis sévère comme le devoir, c’est vrai ; mais dans le fond, ne va pas abuser au moins de cet aveu, je suis tout à fait bon homme… Pendant les quinze jours de mer que nous venons de faire, quoique je n’eusse pas l’air de m’occuper de toi, je te suivais constamment de l’œil, à la dérobée… et, je le répète, ta manière d’agir mérite toute mon approbation… Tu réussiras, c’est moi qui te le prédis.