Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme nous tombions de lassitude, nous nous empressâmes d’obéir à l’ordre du grand maréchal du palais. Deux minutes plus tard, notre cortège, qui ne nous avait pas quittés, s’arrêtait devant la paillote la plus délabrée de la capitale de Bombetoc, le logement que nous offrait la généreuse souveraine.

— Parbleu ! lieutenant, me dit d’un air furieux le matelot Bernard, ce n’était pas la peine de faire tant d’embarras pour nous envoyer ensuite dans ce chenil ! Enfin, n’importe, à la guerre comme à la guerre, à Bombetoc comme à Bombetoc. Tâchons de nous arranger de notre mieux ; une nuit est bientôt passée.

— Oui, quand on ne meurt pas de faim, s’écria François Poiré.

— Et qui vous dit, mes amis, que nous nous coucherons sans souper ? Moi, je l’avoue, j’ai confiance dans l’hospitalité de la reine… je m’attends à un morceau de bœuf… et tenez, voici quelqu’un qui soulève l’espèce de jalousie qui nous sert de porte ; je parie que c’est le cuisinier en chef du palais…

À peine avais-je prononcé ces paroles qu’un spectacle féerique, digne des Mille et une Nuits, et auquel nous étions certes bien loin de nous attendre, nous émerveilla, mes deux matelots et moi. Nous vîmes le grand maréchal, accompagné de deux Malgaches chargés l’un de nattes et l’autre de provisions de bouche et de boissons, entrer d’un air majestueux dans notre triste paillote, et nous dresser par terre, selon l’usage du pays, un repas somptueux et trois lits.

J’allais témoigner toute la reconnaissance que m’inspirait un tel procédé, lorsque la porte se souleva de nouveau et donna passage à trois charmantes jeunes filles malgaches, qui s’avancèrent vers nous en nous souriant. Je fus tenté de croire que je rêvais.