Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/256

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Ma position était assez fausse : d’un côté, je brûlais du désir de m’enfuir au plus vite de Bombetoc ; de l’autre, je sentais instinctivement que le moment où je ferais charger mon présent pour le remporter, deviendrait le signal d’une attaque. Je ne savais trop quel parti prendre, et je regardais déjà d’un air de résignation la paire de pistolets suspendus à ma ceinture, lorsqu’un heureux événement vint fort à propos me tirer d’embarras.

Soit que la reine se fût repentie d’avoir refusé l’alliance de ce jeune roi que je lui avais représenté sous d’aussi brillantes couleurs, soit qu’elle craignît que dégoûté par la froideur de son accueil, je ne voulusse plus reparaître avec les soieries promises, toujours est-il qu’elle revenait à moi. Elle m’envoyait un de ses courtisans pour m’inviter, attention délicate et bien digne de cette charmante femme, à assister à une exécution qui devait avoir lieu dans une heure. Il s’agissait d’un de ses soldats qui avait tué, dans la dernière bataille, le roi de l’armée ennemie, et que l’on devait brûler vif.

— Comment, demandai-je à l’interprète Carvalho en croyant avoir mal compris, on va brûler vif un soldat qui a tué, pendant le combat, le roi de l’armée ennemie ?… Est-ce bien cela que vous voulez dire ?

— Parfaitement, seigneurie. À Madagascar les rois sont inviolables, et tout homme qui porte la main sur eux paye ce sacrilège de sa vie.

— Ainsi, pendant le combat, les rois peuvent percer à coups de zagaie qui bon leur semble, sans que ceux qu’ils immolent aient le droit de se défendre ?

— Certainement, seigneurie, qu’ils le peuvent !… Aussi ne s’en font-ils pas faute. Assisterez-vous au supplice d’aujourd’hui ?

— Ce serait avec le plus grand plaisir, si mes moments