Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/285

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Quelques mots à présent nous sont indispensables pour connaître la position de notre prise la Perle, commandée par le lieutenant Huguet, mon ancien chef direct à bord de la Preneuse.

Notre prise avait bravement ouvert le feu sur la mouche du Trinquemaley, à l’instant même où nous en venions aux mains avec cette corvette ; seulement, la Perle était montée par un faible équipage, qui ne pouvait manœuvrer que lentement ce lourd navire, tandis que la mouche du Trinquemaley, profitant de la force numérique de ses hommes et de la prestesse de ses évolutions, l’accablait de projectiles sans courir de grands dangers.

La mouche, dont l’équipage, je le répète, était plus que triple de celui de notre prise, cherchait en outre l’abordage, que notre pauvre Perle en était réduite à éviter sans cesse. L’issue de cette partie carrée entre les quatre navires restait donc toujours incertaine ; toutefois, à supputer et à peser froidement les chances, il fallait avouer qu’elles étaient du côté des Anglais.

— Une seule chose me console dans nos désastres, dit le capitaine Maleroux en s’adressant à son second, c’est que si nous succombons, nous tomberons sans laisser traîner l’honneur français dans la honte… Remarquez, Duverger, l’ardeur de notre équipage… On dirait qu’il augmente encore à mesure que croît le danger. Pauvres et chers enfants ! ils se battent comme des anges !

Maleroux, après avoir dit ces paroles, passa sa main sur ses yeux comme s’il eût voulu chasser une pensée importune qui l’obsédait, puis il reprit douloureusement et en baissant la voix :

— Et penser, pourtant, que c’est peut-être à ma seule présence sur l’Amphitrite que ces pauvres gens doivent d’essuyer tous ces désagréments ! Oh ! si j’étais sûr de cela !…