Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/287

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mais qu’importe ! elle nous devient inutile, l’heure de l’abordage a sonné !

Chaque frère la Côte s’arme d’une espingole, d’une hache et d’un poignard. En avant ! Vingt de nos plus robustes matelots, munis de longues lances, tiennent à distance et neutralisent l’effet des piques et des baïonnettes anglaises. Enfin, sous le feu d’une mousqueterie meurtrière, nous montons à l’assaut ! L’intrépide Maleroux se multiplie avec une incroyable activité ; il nous excite par sa parole et par son exemple, mais notre courage n’a pas besoin, on le croira, d’être stimulé.

Enivrés par le combat, par l’odeur de la poudre, par notre haine pour l’Anglais, nous avons perdu le sentiment du danger et de la souffrance ; tout nous semble possible, les obstacles n’existent plus pour nous.

On commence par s’égorger à travers les sabords, puis la lutte s’engage sur le gaillard d’avant du Trinquemaley.

Les Anglais sont deux fois plus nombreux que nous ; ils se battent bravement, c’est vrai : ils défendent avec courage, pouce par pouce, l’espace que nous avons envahi ; mais que peuvent-ils contre la fureur sans nom qui nous anime ? Nos espingoles et nos piques creusent leurs rangs et élargissent le théâtre du carnage de toute la longueur du passavant !

Au milieu de cet affreux et sanglant pêle-mêle, de ce chaos hideux et sublime tout à la fois, on entend la voix retentissante de Maleroux, qui domine les cris des blessés et des mourants. L’intrépide Breton a retroussé les manches de sa chemise jusqu’au coude, et chaque fois que sa terrible hache s’abat, un Anglais tombe pour ne plus se relever.

Quoique fort occupé moi-même, je ne puis m’empêcher de remarquer notre second, Duverger, qui me coudoie en passant : jamais je n’oublierai l’impression que me