Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Louis, me dit-il en se levant brusquement, les moments sont précieux, ne les gaspillons pas en vaines paroles. Écoute-moi avec attention. Avant un quart d'heure d'ici nous serons attaqués, cela ne peut se mettre en doute; eh bien, j'ai peur…

— Sacré mille tonnerres ! c'est pas vrai ! s'écria Kernau oubliant dans un beau moment d'indignation devant qui il se trouvait.

Un regard sévère de mon cousin, un vrai regard de capitaine sur son bord, lui coupa la parole. Mon matelot confus baissa la tête et rougit, c'était inouï pour un frère la Côte, jusqu'au bout des oreilles.

M. Beaulieu, se retournant vers moi, reprit :

— Louis, me dit-il, j'ai peur que, jeune comme tu l'es et n'ayant pas encore assisté à une affaire, tu ne faiblisses, lorsque tout à l'heure l'action s'engagera, devant un danger nouveau et inconnu pour toi, que ton imagination n’a pu te révéler tel qu'il est. Si tu aimes mieux, j'ai peur que tu ne sois surpris, et cette idée me tourmente au-delà de toute expression. On sait à bord que tu es mon parent… comprends-tu ! Une hésitation qui chez tout autre pilotin passerait inaperçue serait remarquée en toi et déshonorerait ta famille.

« Peut-être ai-je eu tort de te faire embarquer si jeune, peut-être ton père maudira-t-il bientôt le nom de celui dont les conseils l'auront privé d'un fils… Mais cela ne regarde que Dieu et moi… Ce qui importe pour le moment, c'est que si tu tombes, tu ne laisses pas une tache ineffaçable sur ta famille, et que tu emportes avec toi un nom respecté… Me le promets-tu ?

— Oui, mon cousin, oui, capitaine, m'écriai-je ému et exalté tout à la fois, je vous promets de rester digne de vous.