Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/322

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semble discuter avec eux et s’opposer avec force à leurs projets. À la longue, il finit, je devine cela à son geste plein de désespoir, par céder. Qu’exigent-ils donc ? Ils veulent abandonner leur projet et retourner à notre bord. Ils ne se sentent plus capables d’atteindre le navire en vue. Vains projets ! accablés par les efforts imprudents qu’ils ont faits pour s’éloigner avec vitesse, ils sont incapables d’exécuter une nouvelle résolution. Je les vois allongés sur les bancs de l’embarcation, dans l’attitude d’un morne désespoir.»

Le capitaine hollandais, à cet endroit de son récit, laissa tomber sa tête avec accablement, et se mit à verser d’abondantes larmes. Nous étions émus, et nous gardions un respectueux et pénible silence.

— Du courage, capitaine, lui dit Surcouf d’une voix douce et en lui pressant affectueusement la main ; ne vous laissez pas abattre ainsi ! Vous avez sous vos ordres un navire dont le salut dépend de votre intelligence et de votre sang-froid, sachez donc refouler votre douleur au plus profond de votre cœur, pour ne plus songer qu’aux devoirs et à la responsabilité que vous impose votre position. Quant à ce récit, qui affaiblit votre courage, laissez-le inachevé.

Le Hollandais releva la tête, et remerciant Surcouf du regard :

— Non, capitaine, lui répondit-il, je ne reculerai pas devant la douleur. Laissez-moi poursuivre. Le découragement des matelots de l’embarcation fut long et dut être terrible ; à la fin, cependant, je les vis sortir de leur torpeur et reprendre leurs avirons ; mon cœur bondit de joie : mon fils m’allait être rendu ! Jugez de mon désespoir quand j’aperçus les canotiers ramer dans des directions opposées et faire tournoyer l’embarcation. Je comprends