Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/354

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Il ne nous reste plus maintenant, pour forcer l’ennemi à accepter l’abordage, qu’à nous placer sous le vent et par sa hanche de tribord. Cette position, rien ne peut nous empêcher de la prendre ; seulement il nous faut la payer par une troisième volée tirée à petite portée de mousquet ; n’importe, nous ne pouvons laisser échapper, sans en profiter, la faute énorme et irréparable que l’ennemi a commise en se privant de sa grande voile ; nous subirons cette dernière volée.

Effectivement, comme nous nous y attendions, le volcan de sa batterie fait irruption et éclate. L’orage de fer inonde notre pont et nous enlève notre petit mât de perroquet : raison de plus pour persévérer ! Il est évident que l’ennemi va être forcé de venir se mettre à la portée de nos grappins ; courage !

— Qu’il s’y prenne maintenant comme il voudra, nous n’en serons pas moins bientôt à son bord ! s’écrie Surcouf.

— Arrondissez sa poupe à tribord, timoniers ! continue notre capitaine.

— Largue les boulines et les bras du vent partout !

La Confiance, prenant vent sous vergue, s’élance alors sur son ennemi avec la rapidité provocante d’un oiseau de proie.

Alors le Kent, nous apercevons enfin le nom du vaisseau ennemi écrit en lettres d’or sur son arcasse, le Kent, voulant nous lâcher sa quatrième bordée par bâbord, envoie vent devant, manque à virer comme nous l’avions prévu, et décrit une longue abatée sous le vent.

— Merci, portefaix de mon cœur, s’écrie Surcouf en apostrophant ironiquement le Kent, tu viens me présenter ton flanc de toi-même ! Vraiment, on n’est pas plus aimable et pas plus complaisant ! Canonniers ! halez dedans les canons de bâbord, ils gêneraient l’abordage. Masque partout ! Lof, lof la barre de dessous, timonier !

La Confiance,