Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/362

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de nos adversaires. Le capitaine Rivington, monté sur son banc de quart, les anime, les soutient, les dirige avec une grande habileté. Je commence, quant à moi, à douter que nous puissions jamais sortir, sinon à notre bonheur, du moins à notre avantage, de cet abordage si terrible, et où nos forces sont si inférieures, lorsqu’un heureux événement survient qui me redonne un peu d’espoir.

Le capitaine Rivington, atteint par un éclat de grenade qu’Avriot vient de lancer, est renversé de son banc de quart : on relève l’infortuné, on le soutient, mais il n’a plus que la force de jeter un dernier regard de douleur et d’amour sur ce pavillon anglais qu’il ne verra pas au moins tomber ; puis, sans prononcer une parole, il rend le dernier soupir.

Surcouf, à qui rien n’échappe, est le premier à s’apercevoir de cet événement ; c’est une occasion à saisir, et le rusé et intrépide Breton ne la laissera pas s’échapper.

— Mes amis, s’écrie-t-il en bondissant, sa hache à la main, du sommet de la drome sur le pont, le capitaine anglais est tué, le navire est à nous ! À coups de hache ! maintenant, rien que des haches aux premiers rangs… En serre-file les officiers avec vos piques… Emportons le gaillard d’arrière et la dunette… c’est là qu’est la victoire.

Le Breton, joignant l’exemple à la parole, se jette tête baissée sur l’ennemi ; sa hache lance des éclairs et un vide se forme autour du rayon que parcourt son bras ; en le voyant je crois aux héros d’Homère, et je comprends les exploits de Duguesclin ! Le combat cesse d’être un combat, et devient une boucherie grandiose ; nos hommes escaladent, en la grossissant des corps de quelques-uns, la barricade formée de cadavres qui les sépare du gaillard d’arrière et de la dunette. La lutte a perdu son caractère