Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/38

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Un épisode qui durait depuis quatre heures et qui excitait l'enthousiasme et l'admiration de la division, était la sublime résistance de la Vertu. Quoique réduite à un déplo­rable état, cette frégate n'en continuait pas moins son feu avec le même acharnement et la même vigueur qu'au début de l'action.

Vers les trois heures la brise fléchit tellement que nos frégates furent obligées de s'aider de leurs avirons de galère pour se maintenir en bonne position.

Je regardais depuis un moment mon cousin, lorsque je le vis tout à coup pâlir et lancer sur le pont, par un mouvement irréfléchi sans doute et plein de fureur, sa longue-vue dont il achevait de se servir. Il venait d'apercevoir le capitaine l'Hermite, ainsi que le bruit s'en répan­dit presque aussitôt, enlevé de son banc de quart par un boulet, et gisant ensanglanté.

À quatre heures, un échange de signaux eut lieu chez les Anglais. Peu après, les batteries de leurs vaisseaux, criblées d'un bout à l'autre, se turent; les basses voiles tombèrent en s'orientant ; les perroquets, les focs et les voiles d'étai se développèrent et se hissèrent à la tête des mâts; puis enfin les vaisseaux abandonnant le champ de bataille laissèrent arriver pour gagner leur port.

Un immense hourra de joie retentit sur nos frégates. Cette fois nous étions bien vainqueurs : nous allions conquérir deux vaisseaux à la France.

La Vertu fut la première frégate qui hissa ses signaux pour annoncer qu'elle était prête à combattre et en mesure de poursuivre l'ennemi : toutes les longues-vues se diri­gèrent vers elle, et toutes les bouches poussèrent un cri de joie en apercevant le capitaine l'Hermite droit et impassible, debout sur son banc de quart. Voici ce que nous apprîmes plus tard. Un boulet de canon avait