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accomplit, au centuple de ce qu’il avait promis à mon cousin Beaulieu, son engagement de me protéger. Poussant la bienveillance jusqu’à la sollicitude, il me donna d’abord un logement à terre, chez lui, puis me présenta ensuite dans les meilleures et les plus agréables maisons de la ville. C’est à lui que je dus de me lier particulièrement avec M. Monneron, banquier, l’un des sept frères Monneron, dont l’un, à Paris, fut l’inventeur des pièces de cuivre de 5 et de 2 sous, qui ont porté son nom ; puis avec un constructeur de navires, M. Montalent, dans les chantiers duquel j’appris la construction. M. Montalent me prenait, ce qui flattait assez mon amour-propre, pour un très grand dessinateur. Le reste du temps que je ne passais pas dans ces deux charmantes maisons, je le consacrais à suivre un cours de navigation.

L’Île de France ne présentait plus alors le même aspect gai et animé que je lui avais vu il y avait plus d’un an, lors de ma première arrivée. Cette colonie, fréquentée alors par des spéculateurs qui s’y rendaient de toutes les parties de l’Inde et de l’Europe, pour traiter des cargaisons et des navires capturés, avait vu peu à peu le silence et l’abandon se faire autour d’elle, à mesure que le nombre de ses croiseurs avait diminué.

En effet, depuis 1793 jusqu’à ce moment, la république avait expédié pour l’Île de France, à des intervalles rapprochés, jusqu’à neuf navires de guerre : les frégates la Cybèle et la Prudente, le brick le Coureur, la corvette le Brûle-Gueule, puis enfin la division du contre-amiral Sercey, dont j’avais fait partie et qui comptait, je l’ai déjà dit, quatre frégates : la Forte, la Régénérée, la Seine, la Vertu.

Or, de tous ces navires, après le combat de la rivière Noire, deux seuls restaient : la Preneuse et le Brûle--