Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/91

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enfant de Paris, et par conséquent mon pays, je crois cette fois qu’à notre retour de l’île de France nous pourrons, grâce à nos parts de prise, lutter contre les souvenirs de munificence des corsaires…

— Silence, Valentin, lui répondis-je en l’interrompant d’une voix étouffée, n’entends-tu pas du bruit ?

— Tiens ! c’est vrai, on dirait les rames d’un canot nageant en cadence.

En effet, nous ne nous trompions pas ; peu à peu le bruit acquit assez de consistance pour ne nous laisser aucun doute sur sa nature, et bientôt une embarcation venant de l’avant rangea la frégate. À la précision de la manœuvre que mirent les matelots qui montaient ce canot, en relevant verticalement leurs rames, nous devinâmes tous, sans avoir besoin de nous communiquer nos observations, qu’il appartenait à un navire de guerre.

— Jette-leur une amarre, s’écrie le contremaître du gaillard d’avant, nous les tenons. Cette pêche-là fera plaisir au capitaine.

Les hommes du bossoir s’empressent d’exécuter cet ordre ; aussitôt un homme que l’obscurité nous empêchait de voir, mais que nous jugeâmes être le brigadier du canot, s’en empare, et la tire à lui ; mais au même moment, hélas ! la malheureuse idée vient à l’officier commandant d’adresser en anglais quelques questions aux matelots placés en dehors de la frégate.

— Sacré mille tonnerres ! me dit Valentin en élevant imprudemment la voix, nous voilà pincés, et la mèche va se découvrir… personne ne pourra lui répondre.

Soit que quelques mots français fussent parvenus jusqu’aux oreilles des canotiers, soit que le silence trop prolongé qui suivit leurs questions lui eût inspiré des soupçons, toujours est-il que l’officier rejeta vivement le tire-