Aller au contenu

Page:Garnier - Les tragedies de Robert Garnier - 1605.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
504
LES IVIFVES,

Ton cœur obʃtiné fut & tes ʃens endurcis :
Außi es-tu butin d’vn peuple incirconcis,
Qui a mis au couteau la plus part de tes freres,
Arraché tes enfants du giron de leurs meres,
Tes femmes violé, le ʃaint temple polu,
Mis les joyaux en proye au ʃoldat diʃʃolu,
Qui les a teint de ʃang, & fait du ʃanctuaire,
N’aguiere inuiolable, un tombeau mortuaire.
Le poil m’en dreʃʃe au chef, s’en friʃʃonne d’horreur,
Ce triʃte ʃouvenir me remet en fureur.
Hà chetiue Sion, iadis ʃi floriʃʃante,
Tu ʃens ores de Dieu la dextre puniʃʃante !
L’onde de Siloé court ʃanglante, & le mur
De tes tours eʃt briʃé par les armes d’Affur :
Ton terroir plantureux n’eʃt plus que ʃolitude,
Tu vas languir captiue en triʃte ʃervitude.
Helas ! voyla que c’eʃt d’offenʃer l’Eternel,
Qui te portoit, Sion, vn amour paternel :
Tu as laiβé ʃa voye, & d’vne ame rebelle
Preferé les faux Dieux qu’adore l’Infidelle.
Ingrate nation, tu as ʃur les hauts lieux
Oʃé ʃacrifier à la Royne des Cieux,
Luy conʃacrer des bois, tu as d’argille molle
Poitri entre tes mains façonné mainte Idole,
Que tu as adoree, (abominable fait !)
Immolant à vn Dieu, que toy meʃme t’es fait.
Il a des yeux ouuerts, toutefois ne voit goutte :
Des oreilles il a, toutefois il n’écoute
On luy voit une bouche, & ne ʃçauroit parler,
Il a double narine & ne reʃpire l’air,
Ses mains ʃans maniment demeurent inutiles,
Et ʃes pieds ʃans marcher ʃont plantez immobiles.
Sẽblables ʃoyent ceux-là qui tels Dieux vont ʃuiuant
Au lieu de l’Eternel, de noʃtre Dieux viuant,