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antenolle.

Je vous demande la permission de vous raconter son histoire :

On l’appelait Zambalah. Il fut fait prisonnier au Sénégal, voici comment. Un navire portugais qui faisait la traite et à qui les Anglais donnaient la chasse, profita d’un gros temps et d’une nuit obscure pour fuir et gagner la Sénégambie. Il remonta le fleuve et mouilla très-loin de l’embouchure où il se mit à l’abri de toutes poursuites. Zambalah, qui connaissait parfaitement la côte, avait prêté aux Portugais le secours de son expérience : comme il était chef d’une peuplade de noirs, il vendait lui-même les prisonniers qu’il faisait dans ses excursions guerrières. Ses gens vinrent le rejoindre au rendez-vous donné et le trafic eut lieu selon la coutume ordinaire. Seulement, au moment de débarquer, Zambalah et son frère se virent entourés, garrottés et jetés à fond de cale avec les autres esclaves.

Après quinze jours d’une traversée difficile le long des côtes d’Afrique dont les vents éloignaient le négrier, le lâche capitaine alla voir sa marchandise. Zambalah lui dit :

— Maître, je t’appartiens, fais de moi ce que tu voudras ; mais voici mon frère qui est malade, donne-lui de l’air, un peu d’eau fraîche, laisse-le sur le pont quelques heures et, si tu lui sauves la vie, je te promets de te servir jusqu’à la mort, sans jamais te reprocher ta perfidie.

— Quelles garanties me donneras-tu ? demanda le Portugais.

— En voici une. C’est un couteau qu’un matelot a laissé tomber à mes pieds ; si tu me refuses, je tue mon frère et me tue ensuite. Parle vite, au moindre geste tu as deux esclaves de moins.

— J’accepte, mais toi aussi tu resteras sur le pont pour aider à la manœuvre, car j’ai des matelots malades.

— Sauve mon frère.

— Ton couteau ?

— Le voici.