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la tour de cordouan.

elle eut des écoles primaires pour les deux sexes et les deux communions. Elle n’avait que des auberges ou des guinguettes, elle eut des hôtels, des restaurants, des cafés, des boutiques de confiserie et de pâtisserie. »

On ne peut rien ajouter à ce tableau, sinon que les chemins de fer ont fait de Royan une ville de bains de premier ordre.

La seule chose du passé que regrettât le capitaine était une sorte de fête de printemps qu’il n’avait vue qu’une fois, dans son enfance, et qui avait disparu depuis l’empire.

Cette fête tout italienne s’appelait l’Infiorature. Paul aimait particulièrement à se la rappeler. Son oncle se faisait un plaisir de lui en parler.

Chaque année, aux derniers jours d’avril, les jeunes filles allaient de porte en porte chercher des fleurs dont chaque jardin leur faisait une aumône. Parfois même, on les laissait piller les parterres et elles sortaient de là avec des gerbes de bouquets. Ces bouquets servaient à faire une coupole de fleurs qui contenait deux couronnes enfermées l’une dans l’autre comme des boules d’ivoire. Au moment où le dernier soleil d’avril disparaissait derrière Cordouan, la coupole, illuminée de chandelles de résine, paraissait au-dessus du principal carrefour, sur une corde tendue d’un grenier à l’autre des maisons. Les jeunes gens prenaient les mains des jeunes filles, et formaient sous ce lustre embaumé une première ronde qui en renfermait deux autres, l’une d’adolescents, l’autre de marmots. Les trois âges de la vie, représentés par les trois couronnes, tournaient les uns autour des autres aux refrains de la cornemuse.

— J’ai été un de ces marmots, ton père aussi, disait le capitaine à Paul.

Mais Paul, débarrassé des visites qu’il devait faire à Royan, plus calme après son devoir rempli à la tombe de sa famille, courait dans les dunes et sur la plage, et on aurait été très-mal venu de