Aller au contenu

Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
395
la vie dans les phares.

dormi laissa la lanterne prendre feu. Le plomb fondu tomba dans sa bouche et l’étouffa.

Mais rien ne fit, ni reproches, ni menaces. Le jeune homme s’ennuyait de cette vie, et il voulait s’en aller. Le vieillard fit son rapport, la première fois que le canot vint apporter des provisions, et ne pouvant compter sur son camarade fit la veillée tout seul.

Une nuit, le malheureux Écossais l’appela à son secours. Quand l’Anglais arriva près de lui, il était trop tard, le vieillard dont les forces étaient épuisées venait de s’éteindre comme une lampe sans huile, victime de son devoir à son poste.

Le jeune homme restait seul dans le phare avec un cadavre dont l’œil hideux semblait lui dire encore : n’oubliez pas mes recommandations ! Ce cadavre lui fit tellement peur qu’il courut se cacher dans sa chambre, dont il n’osa pas sortir de la journée, même pour faire des signaux de détresse. La peur l’avait rendu presque fou.

La journée s’écoula. Ce n’était qu’un jour, mais il dura un siècle. Le soir vint. Il ne songea même pas à allumer la lampe, mais quand le sentiment du devoir lui revint, il n’osa pas, tant l’idée de demeurer auprès du cadavre le remplissait de terreur.

La nuit vint, une nuit épouvantable. Il se tint auprès d’une croisée ouverte suivant de l’œil les vagues qui se brisaient contre le rocher avec le bruit du tonnerre et en flots d’écume phosphorescente. Soudain il lui sembla voir une lumière du côté d’où soufflait le vent ; elle disparut, se montra de nouveau, et il acquit bientôt la certitude que c’était le fanal d’un vaisseau caché, puis démasqué par l’ondulation de la mer. Il naviguait vers l’écueil sur lequel est élevé le phare.

Sa stupeur, son apathie se changèrent en colère.

— Lâche ! fit-il, c’est toi qui seras cause de la destruction de