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la tour de cordouan.

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de l’aspect, de la richesse de l’ornementation et de l’excellence de la distribution intérieure, ce phare occupe le premier rang non-seulement parmi les monuments analogues de la France, mais encore parmi ceux du monde entier. Ce n’est plus cette œuvre de la Renaissance avec sa coupole, ses clochetons, ses sculptures, ses arcades et ses colonnes, que nous a transmise la gravure. Les formes trop nues de nos constructions modernes ont quelque chose de sec qui contraste avec l’élégance et la richesse de l’œuvre ancienne, dont il reste encore assez de traces pour nous la faire regretter. Mais on s’en console en pensant que la tour qui n’avait alors que 37 mètres de haut en a 63 aujourd’hui, et que le salut des navires y a gagné ce que l’art a perdu. Le bas de l’édifice est toujours intact sous son architecture de la renaissance. Au-dessus s’élève majestueusement la nouvelle tour avec ses quatre étages et sa lanterne vitrée, et le voyageur, saisi d’admiration, ne peut s’empêcher de rendre hommage à ce magnifique monument qui s’élève avec tant de hardiesse au sein de l’Océan.

— Pendant six mois de séjour que nous fîmes sur cette plage, dit Michelet que nous sommes encore heureux de citer, notre contemplation ordinaire, je dirai presque notre société habituelle, était Cordouan. Nous sentîmes combien cette position de gardien des mers, de veilleur constant du détroit en faisait une personne. Debout sur le vaste horizon du couchant, il apparaissait sous cent aspects variés. Parfois dans une zone de gloire, il triomphait sous le soleil. Parfois pâle et indistinct il flottait, dans le brouillard et ne disait rien de bon. Au soir, quand il allumait brusquement sa rouge lumière et lançait son regard de feu, il semblait un inspecteur zélé qui surveillait les eaux, pénétré et inquiet de sa responsabilité. Quoi qu’il arrivât de la mer, toujours on s’en prenait à lui. En éclairant la tempête, il en préservait souvent et on le lui attribuait. C’est ainsi que l’ignorance traite souvent le génie,