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six semaines dans un phare.

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qui pouvaient gêner sont jetés à la mer. On embarque les blessés, et d’autres embarcations nous amènent des munitions et du renfort. Toute la population de l’île couvre le pourtour de la baie, attendant avec anxiété le résultat d’un combat devenu inévitable. Il s’agissait de l’honneur de la France ! une frégate désemparée et échouée à la côte contre deux vaisseaux anglais au large !…

Tout est prêt. On vire sur l’ancre de bossoir. Les charpentiers attaquent à grands coups de hache le pied des mâts chancelant au tangage, qui, privés d’appui et poussés à la mer par les rafales, tombent dans la mer. Par malheur le grand mât et celui de misaine, déracinés les premiers, arrachent avec une telle violence le mât d’artimon encore debout, qu’il parcourt le gaillard d’arrière tuant et blessant sur son passage les hommes qui viraient au cabestan, pour se rompre sur les passavants de tribord. Enfin la Preneuse cédant aux efforts du cabestan et du délestage présente au large sa double ceinture de canons. On établit des béquilles destinées à la maintenir dans une position à peu près verticale, et tous les canons de la batterie de bâbord remplacent ceux des gaillards de tribord. À peine tous les préparatifs sont-ils terminés qu’un épais nuage de fumée déchiré par les flammes nous annonce que les Anglais, poussés par ce même vent qui nous a fait défaut, et leur vient à présent en aide, sont à portée de canon. Le combat commence. Il est environ trois heures. La rage, la vengeance, l’amour-propre sont en jeu. On se fera tuer jusqu’au dernier ; mais on ne se rendra jamais. L’Hermite l’a dit, il faut pour nous vaincre que l’ennemi nous démolisse sur place. Nos couleurs nationales ne s’abaisseront pas.

La canonnade dura deux heures, et notre feu a causé les plus grands ravages à l’ennemi. Que la fatalité cesse de nous poursuivre, et nous sommes vainqueurs. Mais au moment où les Anglais se consultaient pour cesser ce combat si désastreux et si